Élections agricoles : comment les syndicats défendent-ils la bio ?
Le 09/01/2025 à Coursac,
Quelles différences de positionnement entre les différents syndicats agricoles sur l’agriculture bio ?
D’ici peu, les élections professionnelles agricoles auront lieu pour élire nos représentant·es à la Chambre d’agriculture. Une fois élus, les membres participent à la gestion des chambres, qui jouent un rôle de conseil, de formation et de représentation auprès des acteurs agricoles, ainsi qu’un rôle consultatif auprès des pouvoirs publics. Ces mandats ont un réel impact sur le développement de l’agriculture bio, mais aussi dans le quotidien des paysans et paysannes.
Outre les intentions que l’on retrouve dans les programmes, AgroBio Périgord a décidé, pour éclairer les votant·es, de rencontrer chacun des syndicats en Dordogne et d’analyser et comparer les prises de position au niveau départemental et national sur les dernières années.
« Ce travail illustre le décalage qu’il peut y avoir entre les promesses et les actes, mais il montre aussi que nous, producteurs et productrices bio, devront faire entendre notre voix lors de ces élections » déclare Nathalie Verdier, porte-parole d’AgroBio Périgord.
Ces rencontres ont permis de recueillir les positions des syndicats sur des thématiques clés liées à l’agriculture biologique : le développement de l’agriculture biologique, le soutien aux filières bio et à la consommation de produits bio, le renouvellement des générations et les enjeux environnementaux. Dans les sections suivantes, nous détaillons et comparons les propositions et priorités exprimées par chacun des syndicats.
CONTACT
Nathalie VERDIER, Porte-parole d’AgroBio Périgord – 06 95 09 20 63
Marine JULIEN, Directrice d’AgroBio Périgord – 06 08 07 32 54
ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES ET RÉSUMÉ DES ENTRETIENS
Les entretiens ont eu lieu entre décembre 2024 et janvier 2025. Chaque syndicat a envoyé 2 à 3 représentants pour rencontrer la délégation d’AgroBio Périgord. Ces entretiens ont duré deux heures en moyenne.
FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES (FDSEA)
Développement de l’agriculture biologique
La FDSEA Dordogne a une position partagée concernant le développement de l’agriculture biologique (AB). Bien qu’elle reconnaisse les avantages environnementaux et la demande croissante pour des produits biologiques, sains et respectueux de l’environnement, la FDSEA défend également un modèle agricole diversifié et soutient l’idée que l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique peuvent coexister.
Lors de l’échange, les représentants de la FDSEA ont indiqué soutenir la stratégie bas carbone ayant pour objectif d’atteindre 21 % de surface en bio en 2030. Cependant, ils souhaitent que ces objectifs soient corrélés avec un soutien financier des producteurs en bio et une aide à la structuration des filières.
La FDSEA ne pousse pas activement le label HVE, considérant qu’il n’est pas une priorité dans les politiques agricoles défendues par le syndicat. Cependant, les personnes interrogées ne dénoncent pas la concurrence avec la bio. Cette position n’est pas celle de la tête nationale FNSEA qui défend HVE comme une certification complémentaire à la certification bio.
Les intervenants de la FDSEA reconnaissent que les aides publiques, comme celles de la PAC (Politique Agricole Commune) ou les crédits d’impôt bio, jouent un rôle crucial pour soutenir les agriculteurs bio, notamment dans les phases de conversion et pour pallier les surcoûts de production. Ils sont cependant critiques sur les abus qu’il y aurait autour du crédit d’impôt bio.
Le syndicat est clairement favorable au maintien de la MAB (aide au Maintien en Agriculture Biologique) et à son intégration dans le premier pilier de la PAC ainsi qu’à un paiement plus rapide des aides.
La FDSEA est favorable au fléchage des aides CAB vers les fermes déjà en bio. Cette position n’est pas aussi claire au niveau national.
Le soutien aux filières bio et à la consommation de produits bio
La FDSEA soutient les initiatives visant à promouvoir l’agriculture biologique, reconnaissant l’importance d’organismes tels que l’Agence Bio dans la structuration et le développement de la filière en France.
La FDSEA salue le travail d’Interbio pour la structuration des filières. La FDSEA a un avis mitigé sur la politique 100 % bio et local du département. Ils ont déposé une motion contre cette politique fin 2023 en session chambre. Cette politique favoriserait trop les bios au détriment des locaux non bios alors que le syndicat prône la complémentarité entre les modes de production.
Le renouvellement des générations
La FDSEA est favorable à la priorisation des installations en bio, tout en soulignant l’importance de la viabilité des projets. Cette position est contradictoire avec la position tenue au niveau national. En effet, l’organisation considère que l’agriculture biologique ne doit pas être prioritaire en termes d’installation des jeunes agriculteurs ou de soutien à l’installation en général.
La FDSEA soutient la mise en place d’un guichet unique pour l’installation agricole. Ce guichet devrait être porté par la Chambre d’agriculture et devrait assurer la neutralité des intervenants.
Le syndicat s’est prononcé en faveur d’une intégration transversale de modules bio dans l’enseignement agricole afin de permettre aux futurs agriculteurs de faire un choix éclairé entre agriculture conventionnelle et biologique.
Questions diverses (OFB, dérogation glyphosate…)
La FDSEA émet des critiques fortes sur l’Organisme Français de la Biodiversité. En effet, la régulation sur les pratiques agricoles ne devrait pas se faire par des personnes dont le mandat concerne la biodiversité.
Le syndicat critique des comportements individuels mais aussi plus globalement le fait que les régulations environnementales soient contraignantes alors qu’il faudrait plutôt inciter les agriculteurs à changer leurs pratiques sur la base du volontariat.
La FDSEA soutient la dérogation sur le glyphosate. En effet, pour le syndicat, il ne faut pas interdire les produits phytosanitaires sauf quand il y a une solution technique. Cette solution technique doit avoir le même coût que le produit phytosanitaire en question.
COORDINATION RURALE
Développement de l’agriculture biologique
La CR a un avis mitigé sur le développement de l’agriculture biologique. Le syndicat est contre toute forme d’objectif concernant les surfaces ou le nombre de fermes en bio. Ils ne soutiennent donc pas la stratégie bas carbone avec l’objectif de 21 % de surface en bio en 2030. « Les agriculteurs sont libres de faire ce qu’ils veulent, on n’a pas à leur dire s’ils doivent être en bio, pas en bio ni quoi faire de manière générale ».
Pour autant, la CR plaide pour une harmonisation des normes au niveau européen afin de garantir une concurrence équitable et pour une rémunération juste des agriculteurs bio, privilégiant des prix rémunérateurs plutôt que des primes ou subventions. « Des prix, pas des primes ! »
La CR exprime un discours plutôt anti libre échange (favorable aux clauses miroirs, tarifs douaniers, …) mais dans le même temps soutient le développement de fermes dont le marché principal est dirigé vers l’export. Le syndicat est donc contre l’import concurrentiel mais favorable à l’export, niant les conséquences économiques qui peuvent être engendrées.
La CR ne reconnait pas la pertinence du label HVE qui, selon eux, « est une création du négoce, pas des agriculteurs ». Ainsi, ce label ne devrait pas être mis sur un pied d’égalité avec le label AB, notamment en termes de financement public. Ils insistent sur la nécessité de différencier clairement les deux démarches pour éviter toute confusion dans leur reconnaissance et leur soutien financier.
Cependant, ils ne sont pas clairement pour sa suppression. Ils regrettent l’abandon du crédit d’impôt HVE.
La CR reconnaît l’utilité du crédit d’impôt bio pour aider particulièrement les petites exploitations à accéder ou à se maintenir en agriculture biologique. Ce soutien est perçu comme un complément utile dans un contexte où la rentabilité économique des exploitations bio peut être difficile à garantir. La CR aimerait augmenter son montant.
Le syndicat est favorable au maintien de la MAB et à son intégration dans le premier pilier de la PAC, ainsi qu’à un paiement plus rapide des aides.
Le soutien aux filières bio et à la consommation de produits bio
Le syndicat est clairement favorable au maintien de la MAB et à son intégration dans le premier pilier de la PAC ainsi qu’à un paiement plus rapide des aides.
La CR a un avis contradictoire sur la promotion des produits bio et notamment sur le rôle de l’agence bio. D’un côté, les représentants de la CR considèrent que cette agence n’est pas forcément utile car trop éloignée des préoccupations des agriculteurs. D’un autre côté, ils pensent que son budget doit être maintenu car il est utile de faire la promotion des produits bio par une entité neutre. Ce qui ressort de la position nationale est l’opposition à des injonctions politiques quant au développement de la bio qui ne doit l’être que par l’essor de la demande et des prix du marché. Nous n’avons pas obtenu de réponse sur cette contradiction : attendre que la demande augmente sans encourager pleinement la promotion « commerciale » des produits bio.
Selon la même logique, la CR est contre la politique 100 % bio et local du département. Ils considèrent qu’elle défavorise trop les producteurs conventionnels locaux.
Le renouvellement des générations
La CR 24 est favorable à la priorisation des installations en bio. Cette position est contradictoire avec la position tenue au niveau national. En effet, comme la FNSEA, l’organisation considère que l’agriculture biologique ne doit pas être prioritaire en termes d’installation des jeunes agriculteurs ou de soutien à l’installation en général.
La CR constate que l’enseignement agricole est complètement déconnecté des réalités de terrain. Ils aimeraient que les professeurs soient plus novateurs dans les pratiques enseignées. Ils considèrent que les pratiques de l’agriculture biologique devraient être enseignées à tout le monde afin de permettre aux agriculteurs de faire un choix en connaissance de cause sur leurs modes de production.
Questions diverses (OFB, dérogation glyphosate…)
La CR souhaite la dissolution de l’OFB. Pour ses représentants, les agriculteurs n’ont pas besoin d’être contrôlés sur leurs pratiques, la confiance devrait être de mise. Selon eux, les agriculteurs font de nombreux efforts et ne sont jamais salués pour cela.
La CR critique les comportements de certaines personnes de l’OFB « qui se comportent comme des cow-boys ! » mais aussi plus globalement le fait d’être contrôlé pour des actes qui auraient un impact sur l’environnement. « Laissez-nous travailler et faites-nous confiance » est leur slogan récurrent.
Comme la FDSEA, la CR considère qu’il ne faut pas interdire les produits phytosanitaires s’il n’y a pas de solution technique.
La CR s’oppose fortement à la place des consommateurs dans les instances agricoles « parce que c’est déjà assez compliqué comme ça ! ». Les questions agricoles doivent uniquement être gérées par les agriculteurs car elles sont considérées comme trop complexes par le syndicat et ne relèvent que de l’expertise agricole.
CONFÉDÉRATION PAYSANNE
Développement de l’agriculture biologique
La Confédération paysanne défend une généralisation de l’agriculture paysanne basée sur des pratiques agroécologiques compatibles avec le cahier des charges de l’agriculture biologique.
Ils souhaitent une agriculture sans pesticides, intrants de synthèse et OGM, allant même au-delà du cahier des charges bio actuel.
La Confédération paysanne rejette les solutions technologiques comme la robotique ou le numérique, préférant des approches basées sur l’autonomie et l’agroécologie.
La Confédération paysanne dénonce la suppression des objectifs chiffrés pour le développement de l’agriculture biologique. Ils soutiennent l’objectif de 25 % de surface agricole en bio, bien qu’ils le trouvent insuffisant.
La Confédération paysanne dénonce clairement le mensonge autour de HVE et demande la suppression des crédits d’impôt en lien avec cette mention. La Confédération paysanne est opposée au label HVE, considérant qu’il décrédibilise l’agriculture biologique.
La Confédération paysanne considère que HVE n’est qu’une meilleure application de l’agrochimie, sans réelle avancée environnementale.
Le soutien aux filières bio et à la consommation de produits bio
La Confédération paysanne privilégie la vente directe et souhaite sortir d’un schéma où la grande distribution est le principal distributeur et donc le dominant dans le rapport de force avec les producteurs. Même vigilance sur le déséquilibre entre les acteurs dans les interprofessions où les producteurs sont souvent les variables d’ajustement.
Ils soulignent l’importance de la restauration collective comme débouché. La Confédération paysanne évoque également le projet de sécurité sociale de l’alimentation comme perspective à long terme.
La Confédération paysanne propose plusieurs mesures de soutien pour les agriculteurs et agricultrices bio :
- Une aide conjoncturelle forfaitaire de 15 000 € par ferme touchée par la crise du bio
- Des politiques publiques structurelles pour réguler le marché et garantir des prix rémunérateurs
- Un soutien financier renforcé dans la PAC avec un éco-régime bio à 145 €/ha minimum
- La remise en place d’une aide au maintien de l’agriculture biologique
- L’application stricte de la loi EGalim (20 % de bio dans la restauration collective) avec les moyens d’application et de coercition renforcés
- Le maintien a minima du crédit d’impôt bio à 4 500 €
- La suppression des crédits d’impôt HVE et glyphosate
La Confédération paysanne critique le manque de contrôle et d’application de la loi EGalim, notamment sur les 20 % de bio dans la restauration collective.
La Confédération paysanne soutient les initiatives visant à promouvoir l’agriculture biologique, reconnaissant l’importance d’organismes tels que l’Agence Bio dans la promotion, la structuration et le développement de la filière en France.
Le renouvellement des générations
Concernant le SDREA (Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles), la Confédération paysanne soutient la priorisation de l’installation en agriculture biologique lors de l’attribution de terres. Ils défendent l’idée que les terres en bio ne devraient pas retourner au conventionnel.
La Confédération paysanne souhaite que les candidats soient mieux informés en amont des dépôts de candidature à l’acquisition de parcelles pour bien connaître les critères d’attribution et ainsi se donner toutes les chances d’être prioritaire si leur projet est en bio.
La Confédération paysanne plaide pour une intégration beaucoup plus importante de l’agriculture biologique dans les programmes d’enseignement agricole. Ils souhaitent que la bio ne soit plus une option mais un élément central de la formation. La Confédération paysanne propose de développer des projets concrets autour de l’agriculture biologique dans les établissements d’enseignement
La Confédération paysanne défend un pluralisme strict dans la représentation des différentes structures qui accompagnent l’installation et la transmission. L’accueil proposé par le guichet « installation/transmission » des chambres d’agriculture doit pouvoir informer de manière exhaustive les personnes afin qu’elles s’orientent vers la structure la plus adaptée. Selon eux, c’est déjà à ce stade que l’agriculture biologique doit être présentée comme un modèle de référence.
Questions diverses (OFB, dérogation glyphosate…)
La Confédération paysanne apporte son soutien à l’OFB. Ils défendent le maintien des missions de l’OFB et le fait que ses agents soient armés, afin d’avoir les mêmes moyens que toute autre police qui a pour mission de faire respecter une loi.
Sur la question du glyphosate, la Confédération paysanne est contre toute forme de dérogation pour des produits phytosanitaire représentant un danger pour la santé humaine ou l’environnement. La Confédération paysanne demande que parallèlement à l’interdiction des produits, l’État finance la transformation des modèles agricoles afin que les pratiques permettent de se passer de ces produits chimiques.